Fahrenheit 451, Ray Bradbury

Fahrenheit451

Auteur : Ray Bradbury

Titre : Fahrenheit 451

 

 

 

 

 

résumé de l’éditeur :
« Montag est un pompier du futur d’un genre particulier : il brûle les livres. Jusqu’au jour où il se met à en lire, refuse le bonheur obligatoire et rêve d’un monde perdu où la littérature et l’imaginaire ne seraient pas bannis. Devenant du coup un dangereux criminel… »

 

Difficile de parler de ce court roman tellement il m’a retourné, pas nécessairement dans le bon sens. Ne vous méprenez pas, le roman est vraiment très bon et je le recommande mais je n’en ressors clairement pas indemne.
Il y a des livres avec qui l’on passe un bon moment et qu’on finit par oublier, il y a ceux qui marquent à vie et que l’on regarde avec le recul en disant qu’ils nous ont aidé à nous rendre meilleurs et puis il y a ceux qui traumatisent, non pas par leur qualité, mais par les conséquences que leur récit posent sur notre vie. Fahrenheit 451 fait partie de cette dernière catégorie, pour moi. Les questions que je me pose quotidiennement sur notre monde prennent encore plus d’ampleur après avoir lu ce roman. Mes angoisses quotidiennes face à ce monde se trouvent exacerbées.
C’est bien là le but d’une dystopie : pousser à se poser les bonnes questions quant à notre regard sur le monde qui nous entoure. En ce sens, la mission de Fahrenheit 451 est accomplie. Même 60 ans après avoir été écrite, l’histoire est toujours d’actualité, les thèmes abordés sont très présents dans notre société.

Le monde de Fahrenheit 451 est un monde parfait. Tout le monde est heureux. Après tout, la recherche du bonheur fut la base de la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique et ainsi ancrée très fortement dans la société américaine. Il n’y a de plus heureux que les simples d’esprit, pour paraphraser la célèbre maxime. Alors pour créer une société idéale, il suffit de la rendre idiote. Le grand principe du monde Fahrenheit est que l’absence de malheur suffit à rendre heureux. La culture est ainsi devenue insipide, étant là pour indiquer la bonne pensée, celle qui rendra heureux, et ne doit plus du tout poser de question ou être source de doute, tant pis pour l’émerveillement. Tout univers fictif est à proscrire car dans une société où le bonheur règne, nul besoin de vouloir découvrir un monde qui n’existe pas, ceci ne ferait qu’ajouter de la confusion inutile. Alors on brûle les livres et la seule culture est celle de la télévision, abrutissante et formatée pour conduire la pensée unique. Le sport a pris une place fondamentale car il éloigne toute pensée, tout doute, toute question.
La politique ? Remplacée par un concours de sourires, où le personnage a élire est grand, beau et bien coiffé, où même son nom est là pour inspirer la confiance, là où son adversaire (que l’on pourrait plutôt qualifier de faire-valoir) est petit, peu élégant et ne provoque que dégoût esthétique. Pas de place pour les programmes, de toute façon ça n’intéresse personne.
Et les intellectuels dans tout ça ? Ils se sont retrouvés pourchassés pour ce qu’ils représentent : des troubleurs de la pensée idoine. Ces intellectuels ont fini par se cacher, fuyant la société qui ne voulait plus d’eux, une société qui ne veut pas « se prendre la tête ».

Si ce portrait vous semble familier, dites-vous que cette société était une vision très pessimiste du futur tel qu’on le concevait dans les années 50. Voilà pourquoi j’ai trouvé cette lecture terriblement oppressante. J’ai mis beaucoup de temps à terminer ce roman, je devais faire des pauses régulièrement. J’ai d’ailleurs commencé en parallèle un autre roman, bien plus léger dans son ton (Good Omens, de Terry Pratchett et Neil Gaiman, pour ne pas le citer).
Pourtant, c’est avec un grand appétit que j’ai dévoré chaque passage de Fahrenheit 451. Au-delà de la qualité de l’écriture, je me suis réellement senti engagé dans le récit, de par les thèmes abordés (ceux qui m’angoissaient justement) et l’évolution des personnages.

Les personnages justement sont très intéressants. Le personnage principal, Guy Montag, est très banal. Il est membre des pompiers — dont le rôle désormais n’est plus d’éteindre des incendies mais de brûler tous les livres découverts — et ne doute pas du bien-fondé de son métier, du moins au début du livre. Il va faire face aux différents aspects de la société : les « normaux » formattés comme lui, une personne « anormale » qui se pose des questions et donc se fait marginaliser, une figure autoritaire connaissant les rouages de la société sans les comprendre, et enfin un intellectuel qui tente de se cacher autant qu’il le peut. La confrontation des différents points de vue est l’un des aspects du livre les plus réussis mais aussi ce qui m’aura le plus donné envie de crier. Le thème de l’intolérance et des minorités est d’ailleurs abordé ainsi et m’a proprement révolté.
Néanmoins, je trouve qu’il n’y a que peu de personnages et aucun n’a de grande importance dans la société. On se trouve plus au milieu d’un petit « conflit » local, loin d’une vraie révolution. On pourrait nuancer cela en disant que dans une telle société, un mouvement d’envergure semble plus difficile que dans une société oppressée car ici point d’oppression, l’évolution s’est faite parce qu’elle était désirée par le peuple.

On pourrait analyser ce texte pendant très longtemps et c’est probablement ce qui rend ce roman aussi culte. Je garderai à jamais le souvenir de cette lecture et des questions qu’elle pose. Mon pessimisme ne va pas s’apaiser de sitôt et de fait, j’ai dans la tête le fameux discours de Neil Gaiman qui donnait la meilleure manière de se remettre en état de marche en toute circonstance : make good art.

20 réflexions sur “Fahrenheit 451, Ray Bradbury

  1. Erika dit :

    J’ai accumulé plein de lecture de retard ici. Je faisais des recherches pour écrire un truc au boulot et je suis tombée par hasard (on y croit ) ici. Résultat ?
    Je suis bloquée devant mon écran depuis ta première phrase et là, je n’ai qu’une envie c’est trouver ce livre car tu as franchement attisé ma curiosité !

    • Lost in Chapter 13 dit :

      Ahah désolé pour ton boulot. :p
      En plus il est très court ce livre. D’une traite il te prendrait moins de trois heures (faut juste que tu arrives à le faire d’un coup, ce dont j’ai été totalement incapable donc).

      • Erika dit :

        Je suis quand même moins convaincue que toi … Je pense que ça me prendrai du temps parce que pas mon genre de lecture habituelle et je ne lis que très peu d’une traite depuis quelques temps. Faut de toute façon déjà que je l’ajoute à ma PàL et j’évite les librairies là ^^

  2. LadyButterfly dit :

    C’est un roman qui marque. Je l’ai lu pour la 1ère fois à l’adolescence (il y a donc une grosse trentaine d’années maintenant ^^), quelle baffe! (je pense qu’j’avais dû enchaîner avec « 1984 »d’Orwell et « Le meilleur des mondes » d’Huxley).
    Je l’ai relu il y a qques années parce que Bradbury reste un auteur majeur que j’aime énormément et parce que ce roman conserve toute sa force.

    • Lost in Chapter 13 dit :

      Justement Brave New World (de Huxley) est dans ma PàL mais je vais attendre un peu avant de m’y mettre, j’ai besoin d’autre chose avant de reprendre une dystopie qui nous rappelle autant la réalité. ^^

      • LadyButterfly dit :

        Pas tant que ça…(la ressemblance). On y trouve des échos , certes. Et comme le roman de Huxley a été écrit il y a plus de 80 ans, c’est bien vu…
        Mais « 1984 » contient des éléments qui nous parlent encore plus ….hélas…

  3. Blanche Mt.Cl. dit :

    Eh bien c’est très étrange, mais même si la vision de Bradbury est absolument pertinente et que j’y ai parfois pensé en regardant de la téléréalité (ben oui, hein, le cerveau est fatigué, des fois!), je n’ai pas été vraiment touchée ou particulièrement angoissée par ce livre. J’en parlais justement hier avec mon frère, car il nous évoquions nos déceptions littéraires quant à des grands classiques (ne t’en déplaise, il n’a pas aimé Lovecraft! 😉 ). Pour ma part, il y a quelque chose, je n’arrive à dire quoi et ça n’a absolument rien de rationnel, mais cet ouvrage m’a laissée froide. C’est extrêmement rare! 🙂
    Je ne sais pas à quoi c’est dû – si j’ai eu l’impression que les personnages ne ressentaient rien, si la chute m’a paru trop naïve, tout ça à la fois…

    Dans le genre de la dystopie, en revanche, j’ai beaucoup aimé « 1984 » de Georges Orwell. 🙂 D’ailleurs, je n’ai pas encore lu « Le meilleur des mondes » d’Huxley, mais je pense qu’il trouverait encore un très bon écho dans la société actuelle, pour sa réflexion sur le déterminisme.

    Sinon, eh bien, niveau dystopie filmée, il y a « Equilibrium » de Kurt Wimmer, qui s’inspire d’un peu tous ces livres, avec une mise en scène pour le moins spectaculaire. Les avis sont aussi partagés que tranchés, mais pour ma part, j’aime beaucoup: il ne s’agit pas dedans, de brûler seulement les livres, mais les œuvres d’art en général (tableau, film…) ainsi que tout objet à fort contenu émotionnel. L’émotion est bannie et les citoyens prennent une drogue pour l’inhiber. Le propos est pas mal, je trouve, et l’enjeu principal de l’histoire, l’émotion, très présent.

    • Lost in Chapter 13 dit :

      Effectivement, je suis étonné que tu n’ais pas aimé, ça me semblait un livre qui t’allait bien pourtant. Enfin c’est une question de goût après tout.
      Et comme toi, ça m’a beaucoup fait penser au film Equilibrium, surtout qu’il suit la même progression dans son histoire (même si la fin n’a rien à voir). J’ai d’ailleurs vraiment aimé le film, il fait partie de ceux que j’ai pas loin pour le regarder de temps en temps.

  4. Charmant-Petit-Monstre dit :

    Quel bel article ! J’ai lu le roman au collège, mais adolescente inculte et révoltée face à la contrainte du système scolaire, la lecture n’a eu aucune prise sur moi et avec un haussement d’épaule et un »pfff » juvénile, je suis passée à côté. Du coup, tu me fais penser qu’il va falloir que je le (re)lise et fissa. Parce qu’effectivement ce que tu évoques sur les problématiques que posent ce roman est effrayant.
    Bon je vais aller retrouver mon exemplaire au fin fond de ma bibliothèque et le poser sur ma table de chevet sur la PAL prioritaire !

    • Lost in Chapter 13 dit :

      J’avoue le collège ça fait peut-être un peu tôt pour lire un truc pareil. Enfin c’est sûr que moi, les thèmes me seraient passés totalement à côté (même en mettant de côté mon abhorration de toute lecture à cette époque :p ).
      Du coup, je serais curieux de voir ce que tu en penserais maintenant. (Mais finis d’abord Foundation. ^^ )

  5. Le Roy Dit Nous Voulons dit :

    Comme tu le fais remarquer dans ton article ce livre semble donner comme un sentiment de réalité… ce qui fait peur.
    Je pense qu’il me plairait. J’ai aussi lu  » 1984  » et  » Le meilleur des mondes  » il y a fort longtemps. Je n’étais pas sortie non plus indemne de ces romans.

  6. ladocattitude dit :

    Et bien moi il m’est tombé des mains… je n’ai jamais pu le continuer ! :/ Pourtant je me doute que je passe à côté d’un chef d’oeuvre… pour me consoler, j’ai lu Les Autodafeurs de Marine Carteron… Même si ça n’a rien à voir, une histoire de livres à détruire quand même, et j’ai adoré !

    • Lost in Chapter 13 dit :

      Oh, ça reste une histoire de goût avant tout. Comme disait Wayne Campbell : « même Led Zep n’écrivait pas de chansons universelles ».
      On va juste être obligé de te jeter des tomates mais si t’as pu trouver ton bonheur dans un autre livre à côté, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. 😉

      • ladocattitude dit :

        Ah non, pas les tomates ! Bah j’ai trouvé le début extrêmement long. Et je devais être dans une période où je n’avais pas trop envie de lire, du moins ce genre là, et voilà ! Oui, je me suis bien rattrapée, enfin je suppose ! Mais bon, je vais bien devoir le lire, en tant que prof-doc, c’est quand même un classique !

      • Lost in Chapter 13 dit :

        C’est vrai que le début n’est pas le passage le plus passionnant, Clarisse aide à mieux faire passer tout ça mais on attend que les choses se mettent en place.
        Mais après de toute façon, ça reste une lecture difficile. Comme je l’indiquais, il m’a fallu faire des pauses régulièrement alors je comprends bien si on n’est pas dans un état d’esprit approprié, ça peut aisément rebuter.

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